Le judaïsme orthodoxe dans Hadassa de Myriam Beaudoin et Kadosh d'Amos Gitaï

La religion a toujours été considérée, par la philosophie, comme une manière de vivre, comme un remède à toutes les questions les plus profondes de l’humain, sur sa conception, sur sa façon de vivre, sur sa raison de vivre, ses malheurs ou ses joies, qui restent sans réponse. De Jérusalem jusqu’à Montréal en passant par Paris et Londres, de New York jusqu’en Espagne, les Juifs de ce monde ont tous les mêmes traditions, les mêmes rituels, la même essence qui guide leur vie, les mêmes croyances, les hommes étudient le même texte et ce qui les rassemble tous, malgré la diversité culturelle de ce monde : le judaïsme. C’est le sentiment d’entrer comme par effraction dans ce monde, dans cette collectivité si restreinte et farouche, désireuse de préserver leur héritage religieux et culturel qui nous est inconnu qui se dégage des deux œuvres de cet analyse. Kadosh, un film d’Amos Gitaï, et Hadassa(2006) de Myriam Beaudoin, nous permet de comparer les différences dans le vécu des personnages au sujet de la religion juive orthodoxe dans leur vie.  Kadosh (1999), un film israélien, se déroule dans un quartier juif orthodoxe de Jérusalem. Meïr et Rivka, un couple qui s’aime éperdument, doit divorcer puisqu’ils n’ont pas d’enfants. En effet, Meir doit répudier sa femme pour en épouser une autre et ainsi avoir une descendance. De son côté, Malka, la sœur de Rivka, doit épouser un homme alors qu’elle est amoureuse d’un autre. Malka décide de se rebeller et Rivka sombre dans la dépression. Ce film nous donne donc le pouls de la culture juive orthodoxe, il y a quelques années, en Israël, un contexte socio-économique et culturel très différent de la première œuvre. Le roman de Myriam Beaudoin est une œuvre de la littérature actuelle québécoise, gagnante du Prix littéraire des collégiens. Ce roman présente l’histoire d’une jeune enseignante se retrouvant dans une école pour jeunes filles juives orthodoxes. Tout au long de l’année scolaire, elle découvre les secrets d’une communauté et d’un monde à part. Plusieurs petites histoires se retrouvent en parallèle, où se confrontent les valeurs de l’occident et de la culture juive orthodoxe d’aujourd’hui.

La religion juive orthodoxe sera étudiée dans ces œuvres à travers différents aspects tels que la force de la communauté et le désir de se rebeller, les rituels et tradition, la place des femmes et le point de vue global des œuvres sur la religion juive.

La force de la communauté juive orthodoxe et le désir de se rebeller

Le film Kadosh de Amos Gitaï
Dans le film de Gitaï, une grande pression de la part de la communauté juive orthodoxe pèse sur les épaules de Meir et Rivka. Lors du premier souper, dans les premières scènes, Meir et Rivka abordent une discussion sur le fait qu’ils s’aiment, que le Rabbin a béni leur mariage, mais qu’il fait maintenant pression sur le couple pour la conception d’un enfant. Plus tard dans le long métrage, Meir énonce qu’a vant leur mariage, il était très bon élève, qu’il était le premier à pouvoir repérer un passage du Tamuld, que l’infertilité est un mauvais sort et même si Rivka aborde le fait, dans d’autres mots, qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfant s’ils n’ont pas de relation sexuelle, Meir se dit trop découragé et fatigué. Cela montre l’accablement de Meir, à propos de ces problèmes d’infertilité et il a une telle pression sur l’épaule de la part de la communauté qui l’entoure que l’essai et l’espoir lui semblent inutiles, rendu à ce point, après dix ans de mariage.  Plus tard, lorsque Rivka rend visite à sa sœur et lui apporte son ancienne robe de mariée pour qu’elle puisse la vêtir pour son mariage, elle lui confie qu’elle a reçu une lettre anonyme affirmant «Qu’une femme sans enfant n’est pas mieux que morte »[1] .Vers le milieu du film, Meir est dans l’obligation, par un ordre et un conseil du Rabbin, de laisser sa femme et d’en marier une autre pour assurer sa descendance et sa fierté. Le Rabbin s’appuie sur la Torah qui énonce que le premier commandement est de procréer : celui-ci s’adresse à l’homme qui est considéré comme le seul responsable de la procréation. Selon le monde orthodoxe, la conception est l’obligation de l’homme et si ce dernier n’a pas eu d’enfant après dix ans de mariage, il doit divorcer de sa femme et en épouser une autre.[2]  Malgré le fait qu’après un rendez-vous chez le gynécologue, Rivka apprend qu’elle n’est pas infertile, qu’elle serait tout à fait capable de porter un enfant, elle ne peut le dire à son mari. Celui-ci est obligé de donner son contrat de mariage au Rabbin, de rencontrer une nouvelle femme dans la semaine suivante et Rivka doit se trouve un nouvel endroit où vivre. Elle déménage dans une petite chambre avec ses objets personnels et sombre dans la dépression. À la fin du film, dans la dernière scène, Rivka rejoint Meir dans sa chambre, se sert de sa main pour caresser son corps de douceur, s’endort à ses côtés. Après le lever du soleil, Meir tente de réveiller sa femme, en vain : on peut déduire qu’elle s’est suicidée. La panique dans le ton et dans le regard de Meir ainsi que sa position corporelle, à genoux par-dessus le corps inerte de Rivka, peut se traduire par une peine incommensurable ainsi qu’une colère face à la mort de sa femme qui prend le contrôle de lui, qui le submerge, mais également une certaine panique devant le suicide qui reste extrêmement tabou encore, dans la religion juive orthodoxe.
La pression de la communauté juive orthodoxe sur ses membres se fait également ressentir sur le personnage de Malka. Elle est promise à un homme qu’elle ne connait pas alors qu’elle est amoureuse d’un autre. Malka, au contraire de sa sœur, se rebelle, se coupe les cheveux en symbole de captivité face à son mariage forcé, puisque une femme qui se rase elle-même les cheveux est une insulte assenée aux femmes asservies[3], donc une forme de rébellion, puisque normalement ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui se coupent les cheveux. Dans le milieu du film, Malka tente de tenir une conversation avec Yossef, son époux, qui ne semble aucunement intéressé par ses propos et se rendort. Le plan suivant est un rapprochement de caméra vers le visage de Malka, pensive, offusquée ou désolée par le manque d’intérêt et d’attention de son mari à son égard. La scène suivante, Rivka s’habille, sort le soir, pendant le sommeil de son mari, sans son consentement. Elle a une relation sexuelle avec l’homme qu’elle aime vraiment. Cette scène se passe dans une semi-noirceur s’interprétant comme la noirceur de l’interdit, ce qui ne devrait pas se savoir, et une lumière rouge éclaire légèrement les silhouettes, ce rouge, symbole d’amour et de passion entre les deux couples, mais également de pouvoir, ce pouvoir qu’a Malka sur son corps, le pouvoir de rébellion qu’elle possède par cet acte interdit. On peut donc faire un lien entre ces deux scènes : Malka avait prévu cette sortie, par révolte en réponse à son mariage arrangé qui la rend malheureuse, comme vengeance. Cet adultère est une provocation puisque son mari sera humilié par ses actes si cela se découvre. À plusieurs reprises, elle demande à sa sœur si elle ne veut pas s’enfuir avec elle. Donc, la pression de la communauté sur les deux sœurs est telle qu’elle pousse l’une, qui a perdu l’homme qu’elle aimait, à se suicider et l’autre à aborder l’option de quitter la communauté, ce qui implique de perdre tous liens avec la famille, tout point de repères et toutes connaissances et de repartir à zéro dans un monde qui lui est presque inconnu.

Hadassa de Myriam Beaudoin

Pour ce qui est du roman Hadassa, les jeunes élèves de madame Alice reçoivent également de la pression de la communauté. Les jeunes filles n’ont pas le droit de contact avec les goyims, les non-juifs, en dehors de l’école, elles n’ont pas de contact avec des personnes qui ne font pas partie de la communauté juive. Vers le milieu du livre, madame Alice marche dans la rue en direction de la salle où se fête le mariage de Rivky, la secrétaire de l’établissement où elle enseigne, elle croise une de ses jeunes élèves et sa mère et se rend compte qu’à l’extérieur de l’établissement, les règles et le comportement des fillettes avec elle sont complètement différents : « Un peu plus loin, je croisais Dina qui se cache le visage dans la veste de sa mère. À l’extérieur de l’école, valait mieux ne pas me sourire, ni s’arrêter pour prendre de mes nouvelles, ni me présenter Mrs. Wolf qui lui avait enseigné à se méfier de nous, les non-juifs, afin de préserver l’intégrité et la pureté de sa vie spirituelle.» (p.188) La jeune Hadassa, par un geste, illustre une curiosité envers quelqu’un différent de ceux qu’elle côtoie chaque jour, ce qui la pousse à toucher à madame Alice, une goyim, même si elle sait très bien que ce contact lui est prohibé :   « Puis un évènement se produisit qui vient bousculer les quinze dernières secondes et les six derniers mois à venir. Je sentis dans le bas de mon dos, une main qui caressa, serra, flatta ma tresse de blé, de haut en bas, lentement avant de la lâcher. Je vis ensuite Hadassa tout près, qui se leva, et trottina à son pupitre. […] J’étais secouée. La petite avait osé. Toucher à l’impure. À moi, un goya.» (p.105) Le mot « secoué » a une connotation forte de surprise de la part de l’enseignante. Une certaine exagération de l’impact temporel de ce geste souligne que la conduite de la fillette n’est vraiment pas habituelle et qu’elle s’éloigne un peu des restrictions de la religion. De plus,  pendant dans la classe lorsque les plus jeunes fillettes veulent dévoiler certaines parcelles de leur univers à madame Alice, elles sont empêchées par les plus vieilles, et cela prouve que la communauté a un grand pouvoir et une grande pression même sur les fillettes, puisqu’elle leur interdit de dévoiler des fragments de leur quotidien et de leur monde, et que cette pression s’est déjà faite sur les plus vieilles élèves.
Pour ce qui est du personnage de Déborah, une jeune femme juive orthodoxe, mariée, prise dans une relation d’amour impossible avec un épicier polonais, la pression de la communauté pèse sur ses épaules. Vers la fin du roman, elle se rend souvent à l’épicerie, dans l’espoir d’apercevoir Jan; lorsqu’elle rentre dans l’épicerie, un des employé commence à lui parler, lui présente son chat et elle ose même toucher au félin. Dehors, deux femmes de la communauté passent devant la boutique et s’attardent puisqu’elle ont vu Déborah : « Dans la rue, Mrs. Adler et Mrs. Rosenberg ralentirent les landaus, examinèrent l’intérieur de la boutique, aperçurent encore Mrs. Zablotski tout près d’un goy. Les deux mères accélérèrent le pas, filant vers l’avenue du Parc et médisant gravement.» (p.201) Cette citation souligne par le terme « médisant gravement », le jugement et la pression permanente entre les membres de la communauté. De plus, Deborah a une peur constante d’être vue en présence de Jan, elle sait qu’elle ne peut être vue en présence d’un autre homme que son mari, en particulier un goyim, elle connait les répercussions, le commérage, l’humiliation et le déshonneur que pourrait causer cette désobéissance. Vers la fin du livre, elle accepte l’invitation de rencontre que lui a proposée l’épicier ; son amour la force à une certaine rébellion contre les convenances et les commandements du judaïsme : «Déborah ne l’avait pas salué, dans la crainte que leurs yeux se regardent et se voient. Elle était encombrée de cette audace-là d’avoir accepté l’invitation, et surtout, d’être assise près du goy. Elle louche à droite, elle louche à gauche, personne dans le square. Pour l’instant elle peut rester. Au moindre doute, elle quittera la scène.» (p.218) La fin du roman laisse planer la possibilité que Déborah, sous la pression de sa communauté, son amour pour Jan, quitte la communauté avec lui. La pression était à un tel point restreignante, puisque le divorce est permis, mais c’est l’homme qui doit en avoir l’initiative, comme pour le mariage[4], puisqu’elle est une femme, elle n’a pas d’autre solution pour vivre son histoire d’amour, que de quitter la communauté et de recommencer sa vie à zéro.

De toute évidence, les deux œuvres n’ont pas le même point de vue en ce qui concerne la pression de la communauté et le désir de se rebeller. Dans Hadassa, le désir de se rebeller se dévoile par des petits gestes de curiosité de la part des jeunes filles, elles sont conscientes des restrictions imposées pour le cloisonnement de la communauté, mais leur désir de connaitre, leur désir d’apprendre, leur curiosité outrepasse l’empreinte qu’a leur communauté sur elles. Pour ce qui est de Déborah, cette rébellion se limite au début à des rencontres interdites entre l’épicier et elle, puis elle quitte la communauté, mais l’auteure ne parle pas des répercussions que cet abandon crée. L’auteure met plutôt l’accent sur la souffrance créée par la force et le jugement sévère des agissements, mais moins sur les répercussions de la rébellion. La pression de la communauté orthodoxe semble peser plus lourd sur les épaules des deux sœurs dans le long métrage, puisque cette pression qu’exerce la communauté sur ces membres se fait à propos de sujets personnels, l’amour et la fondation d’une famille. Cette pression contraint ces membres à la souffrance et à la rébellion. Malka ne désire que s’enfuir de la communauté, elle agit avec une volonté de créer l’humiliation de son couple et de son époux. Alors que Déborah désire s’enfuir de la communauté, mais ce geste n’est pas fait en fonction de provoquer l’humiliation de son couple et de son époux, il n’est posé que dans le but de vivre son histoire d’amour, d’être libre. En parallèle, cela conduit à la destruction d’un couple, au malheur de Meir et à la dépression de Rivka qui l’escorte vers le point de non-retour, le suicide.

Rituel et tradition
Malka au murs de lamentation
 dans le film kadosh
Dans le long métrage Kadosh, les rituels et les traditions de la judaïcité orthodoxe sont présentés par les rituels de l’habillement, la tradition du mariage ainsi que le principe Casher, les lois de l’alimentation. Tous présentés d’une façon à mettre leur beauté en avant plan, à mettre l’accent sur le respect, l’application et le dévouement envers les traditions et rituels quotidiens. Le film commence par la scène du réveil et de l’habillement de Meir. Il se réveille, l’éclairage est sombre, la cantonnière est close. L’accent est mis sur le pyjama de Meir et les draps, d’un blanc qui contraste très fortement avec le reste du décor sombre qui l’entoure, rappelant la pureté de ces rituels. Il commence à mettre sa Kipa[5], un petit chapeau flexible, puis passe au rituel de la purification, en se rinçant les mains plusieurs fois. Il enfile un pantalon noir, une chemise blanche, le Talih[6], le châle de prière symbolisant le respect. Il prononce quelques prières tout déposant le Talih sur le dessus de sa tête, afin d’augmenter sa concentration et de se sentir enveloppé par les ailes de Dieu. Ensuite, le tefillin[7],  une petite boite de cuir sur le haut du front d’où pends de petites lanières de cuir qu’il enroule sept fois autour de son bras et six fois autour de ses doigts, d’une façon précise, en signe de dévouement à Dieu, en action par les lanières de cuir aux bras  et en pensée par la boite sur le haut de la tête. Chaque morceau de vêtement est accompagné d’une prière. Cette scène se développe pendant presque huit minutes, ce qui est considérable sur un film de presque deux heures. Tout au long de cette scène, la caméra reste en plan fixe, pour concentrer l’attention sur ces gestes, sa lenteur, les prières qui se succèdent, sur la beauté et son application à ces tâches.
Dans le film, les rituels alimentaires font partie de leur quotidien, mais posent parfois problème, puisque les lois sont très restrictives et précises et l’application que les Juifs y mettent est grande. Peu après la scène du réveil de Meir, il se retrouve à la synagogue, le Rabbin passe derrière lui pour lui recommander de boire son thé avant qu’il ne refroidisse. Yossef, le futur mari de la sœur de sa femme, est en arrière-plan, étudiant la Torah en se balançant, un moyen utilisé pour entrer dans la prière corps et âme.[8]Après sa gorgée de thé, il débute une conversation avec Yossef sur la logistique de la préparation du thé lors des jours de Shabbat, jours où l’on imite le Créateur qui a cessé toute œuvre pendant ces jours. C’est la récompense de l’homme, le véritable salaire de son travail. [9] La conversation tourne autour de la façon de faire le thé. Ils discutent de l’importance de verser l’eau avant le sucre, de la cuisson de l’eau, du sucre, des feuilles de thé déjà cuites, de cette préparation qui doit se faire dans la première ou deuxième vaisselle, au droit de boire un liquide de couleur lors des jours de Shabbat. Cette logistique est reliée au principe de cacherout, les lois alimentaires. Il est interdit de consommer de la viande et des produits laitiers dans le même repas. Certaines parties de l’animal sont Taref, ne peuvent être ingérées, ainsi que les animaux de proie, les reptiles et certains poissons dont la nature est ambiguë. Le vin doit être soumis à l’autorisation du Rabbin. Ces lois ne concernent pas uniquement la nourriture, mais également tout ce qui a un contact avec les aliments, et ce pendant toute l’année, y compris le shabbat. Au début de cette conversation, la caméra est en plan d’ensemble, englobant Meir, concentré, et Yossef, accoté sur un petit présentoir de bois, qui met l’accent sur sa concentration et la recherche de solution à la question. Puis la caméra change du plan champ interne à un plan contrechamp interne, ce qui souligne, pour les deux hommes, le ton de la voix, le doute, la concentration qui emplit leur visage à cause des contraintes que les lois alimentaire causent, mais également leur application à apprendre ces règles pour pouvoir les appliquer rigoureusement. Dans le même sens, pendant cette discussion, Meir demande la cause de cette complication et Yossef lui répond « Student of the Torah must be rigorous. Let’s be rigorous. »[10]en hébreux.

Scène du mariage de Malka dans Kadosh
Dans le film, les rituels du mariage sont présentés d’une façon à mettre la beauté  des rituels en avant plan mais également l’opposition entre la joie des hommes, et la résignation des femmes, Plus tard dans le film, Malka est contrainte de se marier à Yossef.  Dans la religion juive, le mariage est jugé comme un remède à la solitude. Le premier plan de la scène du mariage est un plan de type rapproché des têtes des hommes, chantant et tournant en ronde autour de Yossef, le futur marié.  On voit approcher en arrière-plan la mariée, avec un voile sur la tête. La famille de la mariée la fait tourner lentement autour de son futur mari alors qu’un homme récite des prières. Quatre hommes tiennent la khoupah, le dais nuptial, un voile qui ressemble à un drap ou à un châle de prière, symbole de la demeure qui accueillera les époux ainsi que la voûte céleste[11]. Le rabbin fait boire un breuvage aux futurs époux, puis dépose un verre au pied de Yossef, qu’il écrase, symbole commémoratif de la destruction du temple de Jérusalem.[12] Puis les hommes se remettent à chanter et à danser avec entrain alors que la nouvelle mariée et ses accompagnatrices fontune ronde, mais le réalisateur met l’accent sur le chant des hommes en arrière-plan et la caméra avec un plan américain sur les compagnes de la mariée qui tournent autour de la mariée, en silence, tentant de sourire. Cela nous permet de voir bien sûr la beauté des traditions du mariage, mais également l’opposition entre la joie de Yossef après la cérémonie et la résignation de Malka.

Le roman présente le mariage par la tristesse et le stress de la mariée en opposition avec la joie et la bonne humeur des invités. Au début du roman, à la première page du livre, qui est la première journée de classe, Alice énumère son habillement, selon les normes vestimentaires de l’école juive orthodoxe : « J’étais vêtue selon les normes du contrat qui excluait les blouses sans manches, les jupes au-dessus du genou, les pantalons, les tissus qui brillant, les coupes trop ajustées. Sous le soleil de midi vingt, je portais une robe sombre qui couvrait mes chevilles. J’avais roulé ma tresse en chignon […]» (p.13) Madame Alice ne porte pas de jugement sur ce code vestimentaire, mais l’antithèse entre le soleil que l’on sait fort à midi et la jupe sombre descendant jusqu’à ces chevilles souligne son inconfort à ce moment dû à ces lois vestimentaires. Le chapitre où se déroule le mariage de Rifky, la secrétaire de l’école de madame Alice et des fillettes, débute par la journée du mariage. Ce jour est considéré comparable au jour de Kipour, symbole de délivrance de toutes les fautes des futurs mariés, c’est pour cela que Rifky est en jeûne, afin que toutes leurs fautes soient effacées, qu’ils commencent  une nouvelle vie, son époux et elle.[13]Sa mère lui rappelle la tonte de ses cheveux, le lendemain du mariage, elle pleure sur les genoux de ses sœurs pendant qu’on lui montre des photos de son futur époux. Avant la cérémonie du mariage, Rivky est assise au milieu de la pièce, attendant que son prétendant soit porté jusqu’à elle pour qu’ensuite on récite leurs devoirs et responsabilités. La préparation de la salle suit et madame Alice est consternée par la décision de séparer les tables des Juifs des tables des goyims présents au mariage. La famille et les invités passent ensuite à la cérémonie du mariage, sous le Khoupah, tout le monde tenant des chandelles dans leurs mains. Les nouveaux époux signent le Ketoubah, le contrat de mariage, qui mentionne également le contenu de la dot et le montant que le mari octroie à lui livrer en cas de divorce.[14] Les invités lancent des grains de blé symbolisant la fertilité.[15] Le festin est servi pendant que madame Alice jouit d’une proximité de l’univers juif que jamais elle n’aurait pu espérer.

Amos Gitaï, réalisateur
du long métrage Kadosh
Si l’on compare les deux œuvres à propos de l’aspect des rituels et traditions, il est évident que le réalisateur de Kadosh a voulu souligner la beauté des rituels, le respect et l’application que les gens de la communauté juive orthodoxe leur portent. Alors que pour Hadassa, même si ces rituels et traditions les restreingnent, les rendent malheureux, cela fait partie de leur quotidien, de leur habitude, ils sont nés dans ces pratique, dans ces tradition,s ils ne connaissent que ça. Si l’on compare les mariages des deux œuvres différentes, dans Kadosh l’importance est mise sur la beauté du rituel du mariage, mais également sur le malheur du mariage arrangé qui accable Malka; plusieurs plans mettent en évidence l’opposition entre la festivité du côté des hommes et la résignation au mariage de Malka et les femmes qui l’accompagnent. Alors que dans Hadassa, à plusieurs endroits, on peut lire que Rivky, la mariée à la nausée, est nerveuse, elle pleure sur les genoux de sa sœur et est inquiète jusqu’à en pleurer, mais l’importance n’est pas mise sur cette nervosité, sur cette résignation, mais plutôt sur les festivités entourant la mariée, sur l’ambiance, sur la joie des invités. Dans le même sens, pour la casherisation, dans Kadosh, une scène presque complète est consacrée à la problématique que pose la logistique casher pour le thé. L’importance est mise sur leur application et leur dévouement à appliquer ces rituels alimentaires dans leur entièreté. Au contraire, dans Hadassa, la cashérisation est vue comme un rituel quotidien, une pratique, une tradition parmi tant d’autres qu’ils ont à appliquer. Par exemple, vers la fin du livre, lors de Pâques, l’établissement scolaire organise une petite fête dans le gymnase de l’école, le chapitre du roman débute par des exemples des tâches à faire dans le temps de Pâques :
«Dans le Landau land, on était toujours entre deux célébrations, avant la fête ou après la fête, far yontev, ou nokh yontev, les costumes de Pourim étaient rangés dans les placards, la longue préparation de Pâques débutait. […] Assistées des Bat Mitzva, les mères procédaient donc, entre février et avril, à la Kaschérisation des foyers. Pendant des semaines, les murs, les planchers, les pièces, tous les meubles, les matelas, les coussins, les vêtements, les armoires, les jouets et objets devaient être purifiés à l’eau bouillante afin d’éliminer toute trace de levain. On sortait également la batterie de cuisine et la vaisselle de Pâques, qui ne servaient que huit jours par an dans la diaspora. […]» (176)
Après cette citation, lorsqu’on lit, on se rend compte que c’est madame Alice qui est la narratrice, mais le chapitre débute avec un narrateur de l’extérieur alors que madame Alice n’est pas incluse dans ces préparations et festivités.  Donc ce narrateur extérieur inclut la communauté juive complète, puisque ce sont toutes des mères et femmes de la communauté qui ont à accomplir cette préparation, et cela fait partie de leurs quotidiens. Il n’y est pas mentionné que cela pose un problème ou des questionnements sur la raison de ces rituels.

Les femmes

Les personnages de Malka  et Rivka
dans Kadosh.
L’œuvre cinématographique, Kadosh, représente ces deux personnages féminins, Malka et Rivka, avec l’image traditionnelle de la femme, celle de la femme au foyer, puisque leur rôle se retrouve dans la sphère familiale. Dans un des textes sacrés, la femme est   appelée «maison de l’homme »[16]. Selon ces symboliques traditionnelles, la femme a comme tâche de servir son mari pour avoir la chance de se faire aimer de lui, elle doit l’honorer sans tenir compte de toute limite, la femme doit craindre son mari et doit tout faire selon ses exigences. C’est le cas par exemple, de Malka qui subit de la violence conjugale parce qu’elle a humilié son époux, et de Rivka qui n’est pas en mesure de mettre au monde un enfant et se fait remplacer par une autre femme, sans considération de l’amour ou du mariage. Le couple se doit le respect, mais le respect de la femme pour son époux s’exprime souvent dans l’obéissance à son mari et dans l’accomplissement de tâches ménagères et matérielles. Une des premières scènes du film est celle où Rivka prépare le souper pour son mari. La scène commence avec un gros plan sur les mains de Rivka, épluchant et coupant des oignons, puis un gros plan sur son visage où elle essuie ses larmes, ce qui peut symboliser son statut en tant que femme, dans l’accomplissement de tâches, dans ce cas culinaire. Le plan suivant est celui de Meir et de Rivka, assis autour de la table. Rivka sert son mari, de ce qui semble être des pâtes, puis se sert elle-même après, elle prend un autre plat qui semble contenir des légumes et attend un hochement de la tête de la part de Meir, comme approbation pour lui servir une portion dans son assiette. Meir parle du fait qu’il enfreint les paroles de son père, Rivka lui rappelle qu’ils sont un couple qui s’aime, un silence s’impose. Meir rappelle qu’il faut suivre les ordres du rabbin, puis la caméra fait un plan rapproché, encadrant le visage de Rivka qui raconte leur histoire d’amour, leur soirée de mariage et après le mariage. Ce dernier plan de caméra met en évidence la soumission à son mari de la part de Rivka : elle le sert, se remet à lui pour les décisions même lorsqu’il s’agit de leur mariage, et elle espère lui faire entendre raison en lui racontant leur histoire d’amour, puisqu’elle n’a pas d’autre moyen, elle ne peut remettre en question sa décision.
Parmi les nombreux devoirs qui sont imposés à la femme se trouve le respect des lois de pureté conjugale. Deux scènes sont consacrées au rite de purification. Les femmes sont impures pendant les cinq jours où elles ont leurs menstruations et les sept jours suivants. Leur corps appartient à Dieu, afin de payer pour le crime d’Ève qui a causé la mort d’Adam.  Les femmes ne peuvent pendant cette période avoir aucun contact avec leur époux qu’il soit direct ou indirect, tel que lui tendre une assiette. Elles dorment dans un lit isolé, ne peuvent chanter, ni se rendre au cimetière. Ce bain de purification fonctionne dans le même système que la pluie, purifiant tout sur son passage, la terre et le paysage.[17] Dans la première scène, on voit Rivka dans le reflet de l’eau, le visage pensif ; elle se faire peigner, laver le dessous des ongles. La femme s’occupant de donner les bains rituels lui dit que cela fait maintenant dix ans qu’elle est mariée, elle n’a pas d’enfant, elle lui pose une série de questions : si elle a bien lavé les vêtements après chaque période d’impureté, si elle a attendu sept jours avant d’avoir un contact avec son mari, si elle n’avait pas de taches dans ses sous-vêtements. Dans ce cas, elle pourrait être considérée comme impure et cela pourrait être la cause de l’incapacité d’avoir un enfant. Elle sera ensuite plongée douze fois dans le Mikvé, le bain rituel, pour les douze jours de la destruction du temple.[18] Cette scène complète sur les bains rituels met encore une fois l’accent bien sûr sur la beauté des rituels mais plus particulièrement sur la condition de la femme, qui doit accomplir une panoplie d’étapes pour être considérée comme pure après ses menstruations, pour ensuite avoir la permission de toucher que ce soir de façon direct ou indirect, leur mari, montre leur condition de restriction et de soumission.

Un autre devoir de la femme est de ne pas être une distraction de l’étude des hommes, elles doivent être discrètes, presque effacée. Tout au long du film, Rivka et Malka ont les cheveux couverts d’un foulard. Les seuls moments où les cheveux de Rivka sont dévoilés c'est pendant des scènes intimes entre Rivka et Meir. Pour une femme, les cheveux dévoilés sont considérés comme une forme de nudité, une provocation sexuelle, tout comme sa voix et sa peau nue. Pour une femme mariée, ne pas couvrir ses cheveux est symbole moralité légère, cela peut être une cause de divorce, donc de perte d’argent et de la dot.[19]


Myriam Beaudoin,
auteur du roman Hadassa
Dans l’œuvre littéraire Hadassa, en opposant deux personnages féminins, une faisant partie de la communauté juive et l’autre non, cela permet de comparer les façons dont la femme est considérée, l’idéologie des hommes face à la femme, ses tâches.  Madame Alice ne fait pas partie de la communauté juive orthodoxe, à aucun moment du roman l’auteure ne fait allusion au fait qu’elle soit mariée ou qu’elle soit mère d’un enfant. Elle porte des pantalons, elle se vêtit ce qui lui plait, elle n’a pas de règles, de code vestimentaire, elle a des amis de sexe masculin. Il est interdit à une femme juive orthodoxe de rester seule en compagnie d’un homme qui n’est pas son mari. Les échanges sociaux et intellectuels sont presque inexistants, les hommes jugeant que les femmes peuvent détourner leur attention de la prière et de l’étude de la Torah.[20] Pour la même raison, il ne leur est pas permis de se vêtir comme bon leur semble, elles ne peuvent porter de pantalon ni de jupe en haut du genou, les vêtements doivent camoufler la rondeur des hanches et des seins, tout vêtement qui découvre les bras est interdit, également à cause du principe de ne pas dévier l’homme de son étude et de la prière. En plus de ces lois vestimentaires, Déborah, après son mariage, subit le rituel de la tonte, elle porte le shaytèl[21], une perruque en permanence. Pour ce qui est des fillettes, elles reçoivent l’enseignement du ministère de l’éducation, le français, la grammaire, les mathématiques et quelques concepts de sciences humaines, puis un enseignement plus pratique, la formation nécessaire pour devenir une épouse, pour pratiquer les taches familiales.
Pour ce qui est de la considération que reçoivent les femmes, les deux œuvres nous proposent une grande opposition. Dans l’œuvre Hadassa, Déborah reçoit beaucoup plus de déférence, son mari s’inquiète de sa santé, de son état :
«[…], David s’inquiétait de l’agitation de sa femme, qui se retournait sans cesse dans le lit conjugal. Son épouse, d’habitude prostrée à la maison, sortait davantage depuis un certain temps. Mais elle affichait un air si tourmenté, si vulnérable, qu’il ne pouvait s’empêcher de craindre pour sa santé. […] David apparut, front plissé. Il s’approcha de sa femme, s’installa près d’elle, caressa sa tête. La fête des sorts approchant, ce pouvait être le tourment de son épouse.» (p.127)

Déborah reçoit de l’attention, de l’affection de la part de son mari, il s’inquiète pour elle tandis que l’époux de Malka est la femme dans le but unique de le servir, l’honorer et lorsqu’elle se venge du mariage, il la bat avec sa ceinture pour la punir. De con côté, Rivka est aimée par son mari, il est affectueux mais l’application et l’attachement de son mari à la religion et à la communauté est au-dessus puisqu’il renie leur mariage.

Point de vue global sur la religion
Dans le roman Hadassa, la religion juive orthodoxe est présentée par deux points de vue, celui de l’enseignante et celui de Déborah, une jeune femme de la communauté juive orthodoxe. La narratrice principale est l’enseignante, Madame Alice. Pour elle, la religion juive orthodoxe suscite beaucoup d’intérêt et de curiosité. Des petites parcelles de cet univers, qui lui est inconnu ou presque, lui sont dévoilées au fil de l’année scolaire, à travers des discussions avec ses élèves. L’auteure présente l’univers juif orthodoxe avec ses interdits, restrictions et différences à travers le monde naïf des fillettes, qui ne semblent nullement souffrir de ces restrictions. À aucun moment l’auteure ne fait tomber la narratrice dans le jugement de valeurs, de coutumes, de traditions, de fêtes, d’interdits et de symboliques qui lui sont différents. Les notions de pudeurs, de certains interdits et sujets tabous sont présentése dans le respect que leur accorde l’enseignante et auxquelles elle se plie. Elle observe, apprend, sans juger cette réalité, éloignée de la sienne, qui lui est offerte. L’auteure présente également la communauté juive orthodoxe à travers la fascination et l’intérêt de l’enseignante. Cette dernière aimerait pouvoir pénétrer dans leur réalité, en apprendre chaque fois plus, être invitée durant leur festivité pour un mariage. Par contre, vers le milieu du roman, l’auteur présente une certaine réserve et questionnement dans la réaction de madame Alice lorsqu’elle prend l’initiative d’installer une bibliothèque de fortune. Afin que ses jeunes élèves puissent profiter de la richesse de la lecture, elle demande un budget pour l’achat des livres et une restriction dans le choix de ces derniers lui est fortement imposée puisque chaque livre doit passer par un comité de censure. Les jambes et bras nus, les cochons et les églises sont couverts par du feutre noir et plusieurs fois par page, certains mots sont rayés et remplacés par d’autres mots. Madame Alice accepte cette formalité, et constate que les fillettes ne cherchent pas à en savoir la cause, puisque cette censure est de mise depuis leur enfance :
«Dans chacune des maisons, j’appris qu’il y avait une importante collection de livres saints, gardés dans une bibliothèque vitrée. Mais qu’il n’y avait pas de comptines sur des disques, pas de téléviseurs, pas de bandes dessinées ni de romans écrits en français. […] Mes élèves ne semblaient pas en souffrir, l’univers de leur enfance évoluait sans frisson inutile, elle dormait profondément et à l’abri de Cruella, des sœurs de Cendrillon et du bonhomme sept heures. Ayant huit, dix, douze frères et sœurs, la solitude était rarissime. […] Les filles ne perdaient pas leur temps à cuisiner sur des fours en plastique, elle participait aux vraies tâches, tandis que les fils allaient prier à la synagogue avec leurs pères.» (p.52.)
 Madame Alice juge semble juger qu’il est bien que ces jeune élève soient arrachées à des peurs inutiles, mais dans un même sens, par cette censure, elles sont privées de quelque chose, privées de la naïveté de l’enfance, des peurs normales d’un enfant, puisqu’elles sont dès leur jeune âge confrontées aux vraies tâches domestiques et familiales . Puis, à la fin du roman, c’est un amour presque maternel que ressent l’enseignante pour ses jeunes élèves, en particulier pour Hadassa, ainsi qu'une certaine fascination pour la religion, jusqu’à se couper les cheveux afin de s’identifier un peu plus aux femmes de la communauté juive.
Parallèlement à cette histoire se trouve celle de Déborah, une jeune femme faisant partie de la communauté juive orthodoxe, dont on peut déduire un mariage récent puisque l’auteure ne mentionne pas la présence d’enfant. Ce point de vue sur la religion est beaucoup plus critique. Déborah, malgré son mariage, tombe amoureuse d’un inconnu, un employé de l’épicerie de quartier. Elle souffre énormément de cet amour interdit. À plusieurs reprises, elle passe à l’épicerie, en espérant l’apercevoir, prétextant acheter quelque chose ou de n’avoir pas trouvé ce qu’elle cherchait. Ils se donnent rendez-vous dans un parc, elle ne peut lui parler, elle ne peut le toucher, elle le sait. Dans le centre du roman, Jan la suit dans une ruelle, tente de lui parler, lui demande son nom, elle cède et regrette : « Elle lui avait offert. […] Puis elle regretta d’avoir cédé, de lui avoir dit son prénom, le nom de son mari. Elle ressent le calvaire du pêché, elle ne sait pas si elle va s’évanouir ; elle ne sait pas ce qu’elle fait là, en face de cet homme, dans une ruelle.» (p.135) Les mots « calvaire du pêché » et « s’évanouir» sont des mots à connotation très forte, « le calvaire du pêché» met en évidence son engagement envers sa religion et la peur qui l’accapare lorsqu’elle pense aux répercussions que ces gestes pourraient avoir. L’idée de partir avec lui doit avoir effleuré sa pensée, mais elle ne le peut, sans penser aux conséquences que cela entrainerait. Cet amour impossible à cause la religion, par son engagement envers sa religion et son époux la rend malheureuse, puisque cela la restreint. On peut même supposer qu’à la fin du roman, elle quitte la communauté.
Dans le long métrage Kadosh, la représentation de la religion juive orthodoxe est présentée avec un point de vue critique. Le film met en valeur les rituels au quotidien, les interdictions et restrictions et ses cotés plus négatif, parce que l’essentiel de l’histoire est la religion qui force la séparation d’un couple marié, heureux et amoureux, qui rend deux sœurs malheureuses et qui mène au suicide de l’une d’elles. De plus, de nombreuses scènes du film sont des longs plans fixes, dans un éclairage sombre, presque austère, montrant les rituels quotidiens et qui mettent l’accent sur l’importance de la pratique et de la rigueur de la religion juive orthodoxe et incitent presque le spectateur à penser à un emprisonnement des personnages dans leur croyance. Dans le milieu du film, la scène commence par un plan fixe sur ce qui semble être une pièce de la synagogue. Une dizaine d’hommes sont assis sur les bancs se balançant pour augmenter la concentration. Un homme face à eux chante les prières. Le rabbin se lève et fait signe à Meir pour qu’il le suive afin de lui parler. Ils s’approchent de la caméra, en plan rapproché. Le Rabbin demande à Meir son contrat de mariage. Meir conteste en lui donnant des exemples de femmes sans enfants, dans la Torah, qui n’ont pas été abandonnées ni répudiées par leur mari. Le Rabbin répète que c’est le devoir d’une femme d’engendrer des enfants, qu’après dix ans de mariage, un homme doit changer de femme pour assurer sa descendance. Meir embrasse son contrat de mariage avant de le tendre au Rabbin. L’importance au début de la scène était sur la beauté des rituels, sur la concentration des hommes, sur leur application dans la prière. Puis, lorsque Meir et le Rabbin s'approchent de la caméra, l’importance est mise sur le déchirement de Meir entre l’amour pour sa femme et d’obéissance au commandement et aux règles de la religion sur le mariage et la descendance. Cela met en évidence l’emprisonnement de membre de la communauté dans la religion. Meir ne veut pas quitter sa femme, il semble trouver cela illogique puisqu’il tente de contester, de prouver que cela n’est pas raisonnable, mais il ne semble pas voir d’autre choix que d’obéir aux commandements.
Myriam Beaudoin, dans son roman, présente par le personnage de l’enseignante un intérêt, une curiosité pour la religion juive orthodoxe, elle aimerait toujours en savoir plus, elle est toujours avide des bribes d’informations que ses jeunes élèves peuvent échapper. Les fillettes composant la classe de madame Alice n’ont pas le droit de dévoiler certaines informations sur leur religion, n’ont pas le droit de s’intéresser à l’univers de l’enseignante, cela les restreint, mais elles respectent la religion, ces restrictions et même elles semblent aimer leur culture, leurs traditions. Malgré l’impression de l’enseignante au sujet des restrictions auxquels les jeunes filles sont contraintes pendant leur enfance, madame Alice constate que cela leur évite des peurs inutiles, que cela amène les jeunes filles à la réalité de leur vie de ménagère et de futures mères de famille.  Elles ne semblent pas plus malheureuses, elles n’en souffrent pas. Par contre, Déborah souffre beaucoup, cette souffrance peut être comparable à celle des deux sœurs, causée par le respect incontestable de leur religion. Malka épouse un homme qu’elle ne connait pas, qu’elle n’aime pas, alors qu’elle aime un autre homme, mais qui ne fait pas plus partie de la communauté juive. Déborah souffre de ne pas pouvoir vivre cet amour rendu impossible par la religion, et cela la pousse, ce que l’on peut déduire, à quitter la communauté. Cette douleur causée par ces restrictions est comparable à celle de Rivka devant quitter son mari, qui tombe dans une dépression et qui termine encore plus dramatiquement par le suicide. La religion, dans Kadosh et pour le personnage de Déborah, est présentée avec ses contrariétés, comme un obstacle à leur bonheur, alors que dans le roman Hadassa, pour l’enseignante et pour ses jeunes élèves, la religion est un point de curiosité, cela fait tout simplement partie de leur vie, ne semble pas les brimer. 
En résumé, les œuvres de Amos Gitaï et de Myriam Beaudoin nous présentent des histoires dans lesquelles le cœur du sujet et de l’histoire est ce qui rassemble tous les Juifs de ce monde, malgré la diversité culturelle : le judaïsme. Kadosh présente la beauté et le respect des rituels et des traditions, ainsi que l’application et le dévouement que portent ces personnages à leur religion et à leur communauté. Ce dévouement a mené la plupart à un emprisonnement, et de là, au suicide pour l’un des personnages. Hadassa nous soumet à travers l’histoire d’une enseignante et de ses élèves, l’intérêt et l’attachement des fillettes et de l’enseignante, entre elles et envers la religion ainsi qu’en parallèle, une histoire d’amour impossible. L'oeuvre littéraire nous présente également une pression de la communauté qui emprisonne ses membres et les restreint. Ces deux œuvres ne présentent pas la même considération de la femme, l’idéologie des hommes face à la femme, ses tâches. Les femmes ne sont pas considérées de la même façon, le mari de Déborah se souci d’elle, de son bien-être et de sa santé alors que dans Kadosh Malka subit de la violence conjugale et sa sœur, malgré le fait que son mari l’aime, la religion est placée en priorité. Le point de vue global des deux œuvres sur la religion diffère également : Hadassa présente un point de vue global plus positif avec celui de l’enseignante avide de proximité et celui des fillettes qui ne semblent pas souffrir de ces restrictions, en parallèle avec une histoire d’amour impossible par les restrictions et la pression de la religion et des communautés. Par le malheur des deux sœurs, le mariage arrangé, le suicide, la pression de la communauté, le point de vue global du film sur la religion s’avère plus négatif.
Après cette analyse des deux œuvres, le sujet de la religion juive n’a pas été parcouru dans son entièreté. C’est un sujet qui sera toujours d’actualité, puisque les êtres humains ont depuis des millions d’années et encore aujourd’hui, des croyances, des pratiques, des religions et ce, partout dans le monde. Il pourrait être intéressant, certes, de comparer une œuvre plus âgée à une œuvre contemporaine, portant sur le même sujet et abordant les mêmes aspects, de pouvoir comparer le changement des traditions, des rituels, variant avec les modes, les époques, les Rabbins, l’autorité des communautés. Mais une analyse portant sur un côté plus philosophique du sujet pourrait être intéressante telle que se questionner sur la légitimité de la religion, si elle est un poison pour l’être humain.


[1] Gitaï, Amos, Kadosh
[2] P.Bebe, Dictionnaire des femmes et du judaïsme p. 267
[3]P.Bebe, Dictionnaire des femmes et du judaïsme p. 83
[4]P.Bebe, Dictionnaire des femmes et du judaïsme,p.97.
[5]M. Ouaknin, Symboles du Judaïsme,p.118.
[6] M. Ouaknin, Symboles du Judaïsme,p.14.
[7] M. Ouaknin, Symboles du Judaïsme,p.20.
[8] D. de La Maisonneuve, Le judaïsme...,p.95
[9] D. Blatner, T. Falcon, le Judaïsme pour les nuls, p.178.
[10] A.Gitaï, Kadosh
[11] E.Loewenthal,  Judaïsme.p.133.
[12] E.Loewenthal,  Judaïsme.p.133.
[13] P.bebe, Dictionnaire des femmes et du judaïsme, p.208.
[14] E.Loewenthal,  Judaïsme.p.133.
[15] M. Beaudoin, Hadassa, p.192.
[16] P. Bebe, Le dictionnaire des femmes et du judaïsme, p. 203.
[17] D.Blatner, T.Falcon, Le judaïsme pour les nuls, p. 107
[18] A. Gitaï, Kadosh
[19] P. Bebe, Dictionnaire des femmes et du Judaïsme, p. 84.
[20] P. Bebe, Dictionnaire des femmes et du Judaïsme, p. 307.
[21] D.Blatner.T.Falcon, Le judaïsme pour les nuls, p.87





Médiagraphie
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